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R. I. P.
Prof. R.P. Édouard des PLACES, S.J.
(1900-2000)

Professeur à l’Institut Biblique pendant 34 ans (1948-1982), le Père des Places avait quitté Rome en 1997 pour raisons de santé et s’était établi à Paris dans la Maison Saint Germain, rue de Grenelle. C’est-là qu’il est décédé paisiblement le matin du 19 janvier de cette année. Né le 23 juillet 1900, au Coudray par Vineuil (Indre), il avait presque cent ans. Ses obsèques ont été célébrées le 21 janvier, à Paris, dans l’église de Saint Ignace.

Il avait eu une enfance itinérante, car son père, officier de cavalerie, fut affecté successivement à diverses garnisons, d’un bout à l’autre de la France: Saint Germain en Laye, Lunéville, Tarbes, Montpellier. Élève au collège des jésuites à Montpellier, puis à Villefranche sur Saône, il fut conquis par les cours de rhétorique du Père Henri Costa de Beauregard et par les cours de grec du frère de celui-ci. A la fin de ses études secondaires, en 1916, étant trop jeune pour être mobilisé, il entre au noviciat de la Compagnie de Jésus à Sainte-Foy lès Lyon. Après le noviciat, il prépare et obtient la licence ès lettres. En 1920, en guise de service militaire, il est envoyé à Beyrouth comme professeur de «première» (pour des élèves de 15-16 ans) et a ensuite l’occasion de visiter la Terre Sainte.

Constatant son enthousiasme et ses aptitudes pour la langue et la littérature grecques, ses supérieurs l’orientent vers l’enseignement du grec au plus haut niveau. Sous la direction du célèbre helléniste Paul Mazon, il prépare une thèse de doctorat à la Sorbonne: Études sur quelques particules de liaison chez Platon, accompagnée d’une thèse complémentaire sur Une formule platonicienne de récurrence. La soutenance a lieu le 6 juin 1929, avec grand succès. Après ses études de théologie (1928-1932) et son ordination presbytérale (1931), il est nommé professeur de grec à Yzeure, près de Moulins, où il prépare les jeunes jésuites au certificat de grec de la licence ès lettres, ce qui l’amène à étudier de nombreux auteurs grecs. Exigeant pour lui-même, il l’était aussi pour ses étudiants, qu’il soumettait à un entraînement intensif. Il leur donnait ainsi une excellente formation.

Son enseignement fut interrompu en 1939 par la guerre. Incorporé comme aumônier au 240e régiment d’infanterie, il fit preuve, durant les combats de mai-juin 1940, «des plus belles qualités de dévouement». Une citation lui est décernée; elle atteste qu’il a «réconforté et soigné les blessés, administré les mourants, enseveli les morts, soutenant le moral des troupes et donnant à tous un exemple permanent d’esprit de sacrifice et de force d’âme». Fait prisonnier avec son unité, il est interné dans un «Offlag» en Poméranie, mais est rapatrié au début de 1941 en tant qu’aumônier. Il reprend alors son enseignement du grec à Villeneuve sur Saône, puis à Yzeure, jusqu’en juin 1946, date où il se rend à Paris, pour y donner des cours à l’Institut Catholique. A son grand regret, il n’y est pas nommé professeur. Ses supérieurs l’envoient alors à l’Institut Biblique de Rome, où il devient le collègue d’un grand ami, le Père Stanislas Lyonnet (1902-1986). En plus de l’enseignement de «l’histoire de la religion et de la philosophie grecques en relation avec le Nouveau Testament», on lui confia la direction de la bibliothèque, qu’il assuma de 1948 à 1966.

Ses cours et séminaires se concentrèrent d’abord sur des sujets où l’hellénisme est en rapport avec le christianisme, comme l’étude de la syngeneia qui unit les hommes à la divinité, celles des hymnes et des prières grecques, celle des vertus; mais ils s’étendirent ensuite à l’exégèse de textes bibliques en contact avec l’hellénisme: la critique de l’idolâtrie en Sg 13-15, le discours à l’Aréopage en Ac 17, la Première épître de Pierre, la Première à Timothée. A cela s’ajoutaient une Introduction à la paléographie ainsi que l’étude des citations de Platon dans Eusèbe de Césarée. L’analyse des textes était toujours très précise et érudite.

A l’activité d’enseignement s’est unie, dès le début et jusqu’à la fin, une intense activité de publication: éditions critiques de textes grecs, traductions et notes, ouvrages sur l’hellénisme et sur la religion grecque, articles, chroniques, recensions. Pour les années 1929 à 1979, la bibliographie du Père des Places est donnée au début de son volume d’Études platoniciennes, publié chez E.J. Brill, Leiden, en 1981. La continuation jusqu’en 1989 se trouve au début du volume Platonism in Late Antiquity (University of Notre Dame Press, Notre Dame, Indiana 1992) que S. Gersch and Ch. Kannengiesser lui ont offert en hommage pour ses 90 ans. La première liste s’ouvre en 1929 par le titre de la thèse principale et celui de la thèse complémentaire, mentionnés ci-dessus. Parmi les éditions de textes et traductions, on remarque d’abord celle des livres I-VI des Lois de Platon dans l’importante «Collection des Universités de France» (1951), puis dans la même collection, celle de l’Épinomis (1956), Les mystères de l’Égypte de Jamblique (1966), son Protreptique (1989), les Oracles chaldaïques (1971), des Fragments de Numénius (1973) et d’Atticus (1977). Dans la collection «Sources Chrétiennes», les Oeuvres spirituelles de Diadoque de Photicé (1943-1955) et les nombreux livres de La Préparation évangélique d’Eusèbe de Césarée (de 1974 à 1991). Parmi les oeuvres personnelles, citons Pindare et Platon (1949), Syngeneia. La parenté de l’homme avec Dieu, d’Homère à la patristique (1964), La religion grecque. Dieux, cultes, rites et sentiment religieux dans la Grèce antique (1969), Eusèbe de Césarée commentateur. Platonisme et Écriture Sainte (1982). En toutes ces oeuvres, on admire la rigueur de la pensée et l’ampleur de l’érudition.

Le P. des Places publia de nombreuses recensions dans des revues scientifiques de divers pays et fournit aux Recherches de science religieuse un «Bulletin», qui fut d’abord «d’ancienne philosophie grecque» (1931), mais devint en 1936 «de la philosophie religieuse des Grecs» (1936-1968). De 1973 à 1999, il rédigea pour le Bulletin de l’Association Guillaume Budé une «Chronique de la philosophie religieuse des Grecs». Tous les quatre ans, il se rendait en été à Oxford pour le congrès de Patristique, où on lui confiait régulièrement un «Master Theme». Il était en relation avec de nombreux collègues, surtout de grands hellénistes comme lui, en divers pays. Sa haute compétence et sa fécondité lui valurent d’être nommé membre correspondant de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres et chevalier de la Légion d’honneur.

Dans ses dernières années, des infirmités, qu’il supportait courageusement sans se plaindre, limitèrent progressivement ses capacités physiques de mouvement, mais non son activité intellectuelle ni son attention aux personnes et aux événements. Tous gardent de lui le souvenir d’un religieux exemplaire, compagnon sympathique, intellectuel de grande valeur.
(Albert Vanhoye S.J.).